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#7 Le Carnaval et l'image de soi

Photo du rédacteur: Journal AgoraJournal Agora

Chaque année, en hiver et juste avant le Carême, nous célébrons le carnaval. Dans les rues, dans les villes et dans les villages, c’est le temps des fêtes, des déguisements, des fleurs, des masques, du folklore mais surtout du rapprochement à la nature. En effet, Carnaval est le seul moment de l’année où chaque individu peut se transformer en un autre ou prendre une forme animale. Il s’agit d’inverser les rôles et les classes sociales.

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Durant l’Antiquité, c’était une manière pour les esclaves de devenir maîtres pour quelques jours avant de revenir à leur statut initial d’hommes non-libres. Au Moyen-Âge, cette fête existait également malgré les réticences de l’Eglise, qui s’est finalement décidé de l’accepter et de l’introduire dans le calendrier. C’est un moment de liberté, où tout le monde s’approprie un rôle et où les contraintes sociales et religieuses ne pèsent plus. C’était notamment à l’époque une forme d’offense vis-à-vis du pouvoir.

Aujourd’hui, la dimension politique est moins visible mais certains carnavals sont tout de même marqués : à Cologne en Allemagne, cette fête est un moment de combat pour l’émancipation des femmes ; dans le quartier de Notting Hill à Londres, on affirme l’insertion des migrants caribéens et afro-américains.

Mais ce qui nous intéresse ici n’est pas tant l’aspect folklorique du carnaval que sa portée philosophique. Le carnaval est en réalité un rituel d’inversion.

L’inversion en littérature est une technique selon laquelle on inverse l’ordre normal des mots pour obtenir un effet particulier et notamment pour mettre l’accent sur des mots ou détourner l’attention des lecteurs sur une partie de la phrase en particulier (par exemple « A moi seul est venue une pensée de chagrin »). Le rituel d’inversion dans le cas du carnaval procède de la même manière : des individus décident de se déguiser et de prendre l’apparence de quelqu’un ou quelque chose d'autre qui leur est opposé, que ce soit en apparence ou en classe sociale.

Celui qui a le plus étudié cette notion de rituel ou de rite est Bourdieu qui a défini celui-ci comme un moyen de reconnaître les différences. Ces rites ont une efficacité symbolique mais pas seulement, ils ont un pvr sur le réel puisqu’ils vont transformer le regard qu’ont les gens sur eux-mêmes et le regard qu’ont les gens sur les autres. En réalité, lorsque Bourdieu aborde cette notion, c’est notamment dans le cadre de la notion de « rite d’institution » ou de « rite de légitimation », appliquée au niveau scolaire en particulier (construction sociale des élites par le biais des concours).

Si on applique la théorie de Bourdieu au carnaval, on se rend compte que dès l’Antiquité, comme dit précédemment, l’ordre social était bouleversé (les esclaves devenaient maîtres et les maîtres devenaient esclaves), et ce rituel marquait et marque toujours les différences entre individus mais aussi dans le rapport entre individus et nature. Finalement, le carnaval rompt avec les théories du célèbre sociologue Erving Goffman qui affirmait que le comportement humain dépendait de ses mises en scène et des relations personnelles. Finalement, nous projetons tous et toutes une image (la plus positive possible) de nous face à un auditoire composé du reste de la population. Le carnaval est en l’occurrence le moment où l’image que nous projetons se trouve totalement biaisée. On porte un masque, on est déguisé, on danse et on chante dans la rue… un comportement assez inhabituel pourrait-on dire. Et justement, c’est là que cette fête prend toute sa signification : c’est un moment de liberté, de réjouissance où chacun et chacune peut passer un moment convivial sans se soucier du regard des autres qui sont dans la même situation finalement.


Inès Toiron

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